Marchés en mouvement : l’euro se renforce, la dominance américaine s'érode
Midyear Economic & Investment Outlook

Selon une étude de l’économiste en chef Koen De Leus, l’économie belge compte parmi les plus vulnérables au monde sur le plan des coûts croissants liés au vieillissement. En parallèle, la monnaie unique européenne connaît une progression, en partie grâce à la réduction des flux de capitaux vers les actifs libellés en dollars, au profit des actifs européens. C’est l’une des raisons pour lesquelles le stratège en chef Philippe Gijsels évoque la fin de « l’exceptionnalisme américain », ce qui impacte notamment les valeurs technologiques – souvent américaines. Les marchés financiers, quant à eux, restent marqués par une forte volatilité, tandis qu’un certain optimisme entoure le secteur des matières premières.
2025-06-12 Slideshow MEO 2025.pdf
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BNP Paribas Fortis publie une mise à jour de son indice de vulnérabilité au vieillissement1, établi pour la première fois par la banque en 2023. Sur la base de 5 paramètres2, ce dernier évalue dans quelle mesure la Belgique est exposée aux coûts du vieillissement comparativement à 17 autres pays industrialisés.
La Belgique est très vulnérable au vieillissement de la population
Notre pays ressort comme l’un des plus vulnérables. En 2003, une étude similaire du Center for Strategic and International Studies classait encore la Belgique dans la moyenne. L’importance du sujet dans l’économie mondiale actuelle se reflète aussi dans le dernier World Economic Outlook du Fonds Monétaire International (FMI), qui consacre un chapitre entier à la hausse des dépenses de retraite dans les pays développés et émergents.
« Notre dernier indice de vulnérabilité au vieillissement montre que les pays scandinaves sont les mieux préparés, alors que les pays anglo-saxons présentent une vulnérabilité faible à modérée », explique Koen De Leus. « En bas du classement, on retrouve des pays d’Europe du Sud… et la Belgique. Tandis que d'autres ont entrepris des réformes pour réduire les coûts du vieillissement, notre pays est resté immobile, ce qui l’a relativement fait reculer. »
Classement de l’indice de vulnérabilité au vieillissement 2025, du moins vulnérable au plus vulnérable :
| 7. Pays-Bas | 13 Luxembourg |
2. Suède | 8. Norvège | 14. Portugal |
3. Danemark | 9. Royaume Uni | 15. Japon |
4. Australie | 10. États-Unis | 16. Belgique |
5. Canada | 11. Allemagne | 17. Italie |
6. Irlande | 12. France | 18. Espagne |
Conclusions principales de l’étude :
- Les dettes publiques atteignent en moyenne un niveau record depuis la Seconde Guerre mondiale.
- Les pays anglo-saxons ont encore de la marge pour augmenter leurs recettes publiques, contrairement aux pays européens où la pression fiscale est déjà très élevée (surtout dans les pays scandinaves, en Belgique et en France).
- L’indice de dépendance augmentera fortement surtout dans les pays d’Europe du Sud au cours des prochaines décennies.
- Dans la majorité des pays européens, les pensions publiques représentent plus de 75% des retraites, alors qu’elles restent sous les 50% dans les pays anglo-saxons (et aux Pays-Bas), à cause de la grande part des pensions d’entreprises.
- Les dépenses supplémentaires de sécurité sociale prévues entre 2024 et 2050 pourraient plus que doubler la dette américaine (si aucune réforme n’est menée). L’Espagne et la Belgique obtiennent également de très mauvais résultats sur ce plan.
« La combinaison d’une situation budgétaire fragile à une explosion des coûts liés au vieillissement oblige la Belgique à lancer rapidement des réformes structurelles efficaces. Continuer dans la voie actuelle n’est pas tenable, » conclut Koen De Leus.
Le vieillissement n’est pas la seule préoccupation de l’économie belge. La géopolitique inquiète également. L’incertitude pousse les entreprises belges à réduire leurs investissements. Le marché du travail se détend progressivement, avec un pic de chômage attendu à 6,5% fin 2026. Le marché immobilier montre des signes de reprise : BNP Paribas Fortis prévoit une hausse des prix de 2,8% en 2025. |
Un euro fort
L’incertitude sur la scène mondiale se fait sentir sur le plan macroéconomique, notamment au niveau du dollar américain qui perd du terrain face à -entre autres- l’euro. Au début de 2025, la parité dollar-euro était attendue. À présent, l’euro s’est considérablement renforcé face au dollar et dispose encore d’un potentiel de progression. Cela s’explique en partie par la forte surpondération actuelle des actifs en dollars dans les portefeuilles d’investissement. Même un simple rééquilibrage vers des actifs européens pourrait fortement soutenir l’euro.
Ce rééquilibrage s’inscrit dans une nouvelle politique macroéconomique européenne post-Covid, plus orientée vers la croissance. Une politique budgétaire plus expansionniste et un marché du travail structurellement tendu soutiennent l’économie européenne et les taux d’intérêts. Pour attirer davantage d’investisseurs, l’Europe a toutefois besoin d’un marché des capitaux plus profond et plus liquide. C’est pourquoi elle mise fortement sur le développement d’une union des marchés des capitaux ou d’une union d’épargne et d’investissement.
Les assureurs et les fonds de pension doivent assurer une masse critique suffisante pour apporter profondeur et liquidité à l’union des marchés de capitaux. Dans ce but, l’Europe assouplit les règles relatives à l’achat de prêts titrisés3 par les compagnies d’assurance-vie. Par ailleurs, elle relance ses efforts en faveur de la création de pensions paneuropéennes et du développement accru des retraites d’entreprise. L’émission conjointe d’obligations européennes constituerait enfin une nouvelle étape vers une Europe plus intégrée. Et si cela ne peut se faire avec tous les États membres, ce sera avec une « coalition de volontaires ». L’ensemble de ces mesures devrait porter l’euro vers 1,18 USD d’ici la fin de l’année, et à 1,22 USD d’ici fin 2026.
La fin de l’exceptionnalisme américain
Pendant des années, le monde entier s'est empressé de financer le déficit public américain en constante augmentation. Par ailleurs, des milliers de milliards de dollars de flux d’investissements ont afflué vers les États-Unis. C’est ce qui explique que l’indice MSCI World soit aujourd’hui composé à 75% d’actions américaines. Autre conséquence : un dollar américain extrêmement fort, considéré dans le monde entier comme une monnaie de réserve et un refuge en période de crise ou d’incertitude. Ce phénomène est ce que l’on appelle « l’exceptionnalisme américain ».
Mais au premier semestre 2025, cette confiance dans les États-Unis semble s’être érodée. Les investissements dans les obligations d’État et les marchés d’actions américains ont diminué, entraînant une baisse de la performance des actifs américains depuis le début de l’année.
« Il serait exagéré d’affirmer que le dollar américain perd son statut de monnaie de réserve », estime Philippe Gijsels. « Car à ce jour, il n’existe tout simplement pas d’alternative crédible. En revanche, il est possible que nous soyons seulement à l’aube d’une très grande tendance, marquée par un affaiblissement des actifs américains et une redistribution plus équilibrée des flux de capitaux à l’échelle mondiale. »
Volatilité continue sur les marchés
Nous traversons actuellement une période que Neil Howe qualifie de « fourth turning »4 : une phase marquée par une grande incertitude géopolitique et des conflits, au cours de laquelle des pans entiers de l’ordre mondial existant sont démantelés. Cet ordre serait ensuite reconstruit lors d’un « first turning » (que Howe situe autour de 2030, bien que ce moment n’ait pas de date précise). Cette vision permet de mettre en perspective les événements (politiques) actuels sur la scène mondiale.
L’incertitude géopolitique et économique entraînera inévitablement une volatilité persistante sur les marchés. Philippe Gijsels fait référence à « La Nouvelle Économie Mondiale »5, le livre qu’il a coécrit avec Koen De Leus :
« Dans notre livre, nous parlons de multiglobalisation. La fragmentation du monde rend de plus en plus difficile l’existence d’un cycle économique global unique. Les grands blocs, principalement les États-Unis, l’Europe, le Japon et la Chine, n’évoluent plus à la même vitesse, ni dans la même direction. Les actions des banques centrales risquent également de diverger. Cela entraînera d’importants mouvements sur les marchés boursiers, les devises, les matières premières et les taux d’intérêts. »
Croissance, inflation et taux États-Unis La présidence de Donald Trump a introduit une incertitude notable sur le plan macroéconomique. Pour les États-Unis, cela se traduit par un net ralentissement de la croissance, qui devrait atteindre 1,5% en 2025, avec un taux identique en 2026, soit quasiment la moitié de la croissance précédente. Heureusement, les droits de douane réciproques élevés ont été – pour l’instant – écartés, ce qui permettra probablement d’éviter une véritable récession. En Europe Dans la zone euro, les dégâts restent relativement limités. La croissance repart lentement, avec des prévisions de 1,1% en 2025 et 1,3% en 2026. Le basculement vers plus d’autonomie économique est structurel et devrait conduire, à terme, à une croissance et une inflation plus élevées. L’Allemagne, avec son plan d’investissement de 500 milliards d’euros, joue un rôle moteur dans cette dynamique. Belgique Pour la Belgique, après une croissance plus forte que prévu au premier trimestre 2025, un net ralentissement est attendu au deuxième trimestre. Cela conduit à une prévision de croissance annuelle de 1,1% pour 2025, et 1,2% pour 2026. |
Matières premières Dans le contexte économique actuel, l’or et l’argent devraient continuer à bien performer. L’optimisme est également de mise pour l’avenir des métaux industriels, qui devraient bénéficier d’une demande soutenue liée à la révolution électrique. De plus, la faiblesse du dollar américain constitue un facteur favorable à la valorisation de métaux comme le cuivre, le lithium ou encore le nickel. |
Valeurs technologiques Jusqu’à présent, les « Magnificent 7 » (Alphabet, Amazon, Apple, Meta, Microsoft, Nvidia et Tesla) ont enregistré en 2025 des performances moins solides qu’auparavant. Cette pression sur les valeurs technologiques américaines est étroitement liée à la fin de l’exceptionnalisme américain évoquée plus haut. |
NOTE : ce communiqué de presse a été rédigé le 5 juin 2025.
1 Vous trouverez plus de détails sur l’indice dans les slides ci-joints.
2 (1) Montant des recettes publiques nettes ; (2) montant des dettes publiques nettes ; (3) augmentation du degré de dépendance ; (4) part des pensions publiques dans la charge totale des pensions ; (5) valeur actuelle de toutes les dépenses supplémentaires de pension et de santé entre 2024 et 2050
3 La titrisation est un processus par lequel un prêteur, tel qu'une banque, reconditionne les prêts qu'il détient (par exemple des prêts hypothécaires) pour les transformer en titres qui peuvent être vendus à des investisseurs. Les investisseurs perçoivent alors les revenus générés par les prêts sous-jacents. (https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/securitisation/#:~:text=Securitisatie%20is%20een%20proces%20waarbij,de%20onderliggende%20leningen%20worden%20gegenereerd)
4 Howe, N. (2023). The Fourth Turning Is Here: What the Seasons of History Tell Us about How and When This Crisis Will End. India: Simon & Schuster.
5 De Leus, K., Gijsels, P. (2023). Les 5 tendances de la nouvelle économie mondiale : Investir en période de superinflation, d’hyperinnovation et de transition climatique. Belgique : Terra – Lannoo, Édition.
BNP Paribas Fortis (www.bnpparibasfortis.com) commercialise sur le marché belge un éventail complet de services financiers auprès des particuliers, indépendants, titulaires de professions libérales, entreprises et organisations publiques. Dans le secteur des assurances, BNP Paribas Fortis opère en étroite collaboration, en tant qu’agent d’assurance lié, avec AG Insurance, leader du marché belge. Au niveau international, la banque propose des solutions sur mesure aux particuliers fortunés, aux grandes entreprises et aux institutions publiques et financières, en s'appuyant sur la compétence et le réseau international de BNP Paribas.
BNP Paribas (www.bnpparibas.com) Leader européen des services bancaires et financiers, BNP Paribas est présent dans 64 pays et rassemble près de 178 000 collaborateurs, dont plus de 144 000 en Europe. Le Groupe détient des positions clés dans ses trois grands pôles opérationnels : Commercial, Personal Banking & Services pour l’ensemble des banques commerciales du Groupe et plusieurs métiers spécialisés parmi lesquels BNP Paribas Personal Finance ou encore Arval; Investment & Protection Services pour les solutions d’épargne, d’investissement et de protection ; et Corporate & Institutional Banking, centré sur les clientèles Entreprises et Institutionnels. Fort d’un solide modèle diversifié et intégré, le Groupe accompagne l’ensemble de ses clients (particuliers, associations, entrepreneurs, PME, grandes entreprises et institutionnels) pour les aider à réaliser leurs projets en leur proposant des services de financement, d’investissement, d’épargne ou de protection. En Europe, BNP Paribas est composé de quatre marchés domestiques : la Belgique, la France, l'Italie et le Luxembourg. Le Groupe déploie également son modèle intégré de banque commerciale dans les pays du bassin méditerranéen, en Turquie et en Europe de l’Est. Acteur bancaire international de premier plan, le Groupe dispose de plateformes et de métiers leaders en Europe, d’une forte présence dans la zone Amériques, ainsi que d’un dispositif solide et en forte croissance en Asie-Pacifique. BNP Paribas met en œuvre dans l’ensemble de ses activités une démarche de Responsabilité Sociale et Environnementale lui permettant de contribuer à la construction d’un futur durable, tout en assurant la performance et la stabilité du Groupe.